Quel profil pour quel métier ?

Avec le cheval pour passion, quel métier choisir dans cette grande filière en fonction de ses envies, compétences et qualités intrinsèques? Comment exploiter au mieux son propre potentiel, tout en ayant conscience des écueils à éviter et de ses particularités à cultiver? Plusieurs cadres et dirigeants d’entreprises équestres et équines font le point. 



Aujourd’hui en France, on dénombre 1,24 million d’équidés, dont près de 70% de chevaux de selle. La Fédération française d’équitation (FFE) réunit de son côté pas moins de 670000 licenciés, ce qui en fait la troisième fédération sportive française après celles du football et du tennis. En outre, 66 000 personnes exercent un métier au sein de la filière équestre en tant qu’activité principale, faisant de cette dernière un vaste marché de l’emploi. Aussi, à en juger par les chiffres publiés annuellement par Equi-ressources, service proposé et porté par l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE), les tendances fortes ne changent pas d’une année sur l’autre : les métiers les plus recherchés restent ceux d’enseignant, palefrenier-soigneur et cavalier d’entraînement. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’en existe pas pléthore d’autres, qui, eux aussi, recrutent ! Interroger divers professionnels s’est avéré, comme toujours, très instructif. Chacun a pu partager sa propre expérience et / ou mettre en avant les profils recherchés dans la constitution de son équipe. Leurs témoignages concrets et vivants vont permettre à ceux qui rêvent d’embrasser la filière de confirmer, affiner ou faire évoluer leur projet de parcours professionnel.



Des métiers de passion

Le monde du cheval est un univers de passion. Passion pour l’animal avant tout. Ludovic Fournet, président de la société Ethic Horse Development, spécialisée dans l’éducation, l’enseignement, le coaching et la formation en lien avec l’éthologie, estime que «si l’on veut percer dans ce milieu, il faut aimer le cheval davantage que la pratique de l’équitation ». Ce que confirme Sarah Briest, coordinatrice aux formations professionnelles au haras de Jardy, qui propose, au sein d’installations d’exception accueillant de nombreux événements sportifs nationaux et internationaux, des formations aux diplômes d’animateur équestre (AE), ainsi que les BPJEPS et DEJEPS (Brevet professionnel et Diplôme d’État de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport): «De nos jours, il est impératif de privilégier la relation et la communication avec le cheval, de même que montrer et communiquer sur tous les bienfaits de la pratique de l’équitation, sur le lien avec l’animal et son environnement. Sans oublier de mettre l’accent sur l’éveil et l’éducation des enfants, le développement personnel, le cheval médiateur, etc.» 

Mieux vaut également ne pas rêver de salaires mirobolants... Souvent, ceux qui adoptent les professions de palefrenier-soigneur et d’enseignant, qui sont les métiers les plus courants et les plus recherchés, commencent leur carrière au SMIC, dont le taux mensuel net s’élève cette année à 1353,07 euros pour trente-cinq heures travaillées. Ce qui n’empêche pas, à terme, de pouvoir bien gagner sa vie! Caroline Tetot, vétérinaire, cavalière, inséminatrice et gérante de l’élevage du Huit, ironise toute- fois: «Concernant mon métier d’éleveuse, mes revenus ont été divisés par deux par rapport au début de ma carrière. Tous les gens de l’univers du cheval connaissent l’adage disant: «Comment faire pour devenir millionnaire dans le milieu du cheval ? Être milliardaire!» (Rires)» 



Les qualités de base

Esprit d’équipe, sens de la débrouille, facilité de communication ou encore assiduité sont des qualités exigées dans toutes les professions liées au monde équestre. Pour Gaëlle Desroches, dirigeante du centre de formations dédié au bien-être des chevaux appelé Horse Well Formation, «il faut être curieux, ouvert d’esprit et tenace» pour œuvrer dans cet univers. «L’esprit d’équipe est fondamental», complète Pauline Martin, ingénieure R&D chez CWD et co-directrice du CWD Vet Lab, premier laboratoire commun associant une unité de recherche vétérinaire (CIRALE-EnvA) et une entreprise dédiée à l’équipement du cheval de sport et de son cavalier (CWD), soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR). De son côté, Anaïs Azorin, représentante de Cheval Energy, entreprise spécialisée dans la vente en ligne de compléments alimentaires et de produits de soin pour cheval, n’escompte pas « forcément de prérequis pour le niveau d’études, mais j’attends tout de même un minimum de connaissances du milieu de la communication, avec un sens de la débrouille développé. Un profil idéal doit être polyvalent et n’a pas les deux pieds dans le même sabot: il peut réaliser une vidéo, monter un stand, vendre, aider sur un shooting... Attention toutefois: il faut un niveau scolaire suffisant, de manière à écrire et s’exprimer correctement. » Barbara Sayous, responsable marketingdu groupe sellier Voltaire, précise qu’il ne faut pas forcément embaucher des cavaliers expérimentés mais des individus connaissant le monde du cheval, ce que confirme Noémie Renard, fondatrice de l’agence de communication Nohe Agency : « Il est essentiel que les per- sonnes qui gèrent nos réseaux sociaux maî- trisent a minima le jargon spécifique au milieu du cheval. » Sarah Briest avance quant à elle que «l’envie d’apprendre, de communiquer avec les autres, cavaliers, parents ou col- 

lègues, ainsi que la connaissance des équidés pour mieux les comprendre et fidéliser nos ca- valiers sont fondamentales ». Même son de cloche du côté de Jean-Pierre Mandziara, di- recteur de l’École garde équestre : « Il faut être pédagogue, diplomate, savoir communi- quer avec autrui, aimer l’ordre, disposer d’une réelle capacité d’adaptation, aimer le travail en extérieur et, bien sûr et surtout, aimer le cheval ! » Par ailleurs, il faut faire montre de souplesse. «Je regrette de n’avoir pas trouvé de candidats suffisamment souples et malléables pour m’accompagner dans le développement de mon élevage», déplore Caroline Tetot, qui reconnaît toutefois que «c’est difficile, car il s’agit d’un métier de saisonnier »



L’incontournable expérience du terrain

De nos jours, les avis convergent tous: rien ne vaut l’expérience acquise sur le terrain. Autrement dit, vive les stages, l’alternance et l’apprentissage. Anaïs Azorin assure qu’elle «privilégie en général les profils qui ont su accumuler une belle expérience du terrain. Et pour l’acquérir, rien de tel que les stages ! »  

Ludovic Fournet abonde dans ce sens.
«J’ai mené des études assez poussées de manière à avoir un métier sûr en parallèle du cheval. Maintenant que je suis ancré dans le milieu, si c’était à refaire, je ne partirais pas à la fac pour décrocher mon bac +5, mais j’irais apprendre chez les plus grands, comme Pat Parelli (considéré comme l’un des plus célèbres nouveaux maîtres américains, ndlr). J’ai un copain exerçant le même métier que moi. Sa carte de visite? Il est parti plu- sieurs années aux États-Unis et s’est immergé dans le milieu du rodéo.» Pauline Martin confirme : « Nous avons beaucoup d’anciens stagiaires dans nos équipes. » Valentin Dela- porte propose, à la Bergerie nationale, une large palette de formations, du CAP palefrenier-soigneur au BTS, en passant par le BPJEPS, le bac pro en conduite et gestion d’une entreprise équestre et le Brevet professionnel responsable d’entreprise hippique (BPREH). «Le fait de mener leurs études en alternance permet aux jeunes de se frotter véritablement au monde du travail, ce qui laisse présager un taux d’abandon moindre par la suite. Par ailleurs, les employeurs apprécient l’expérience acquise de cette manière durant plusieurs années », analyse-t-il.



Un atout de taille : les compétences en gestion

Il est essentiel d’avoir des compétences en gestion, absolument nécessaires pour per- mettre le bon fonctionnement de toute structure. Selon Valentin Delaporte, « on entend beaucoup que les structures équestres ont du mal à recruter, fidéliser et fédérer une équipe. Certes, les conditions de travail sont rudes et les salaires peu mirobolants, mais à mon sens, la dimension administrative et technique est trop souvent négligée: un directeur ou directrice d’une entreprise hippique à la tête d’une équipe doit avoir de vraies connaissances en termes de gestion du personnel, d’économie et de zootechnie. C’est pour cela que nous proposons de former les apprenants en ce sens, avec des diplômes dédiés. Pour aller encore plus loin, les licences en gestion proposées depuis une vingtaine d’années font du bien à la filière.» 

Bilan: avant de se lancer, il est conseillé à tous les futurs travailleurs de bien réfléchir à leurs motivations et attentes, tout en identifiant précisément et honnêtement leurs qualités afin de pouvoir miser dessus. Il ne faut pas hésiter à se documenter et à poser des questions. Et surtout, à se faire confiance et à oser ! « Ce n’est pas toujours facile de savoir ce que l’on veut faire de sa vie. Il faut oser se lancer. Et si l’on se trompe, l’assumer et rebondir. Garder l’esprit ouvert, se dire que toute expérience constitue une source d’enrichissement. En cas d’hésitation, le bon sens inciterait à se tourner vers une voie la plus généraliste possible pour ne se fermer aucune porte », conclut Noémie Renard. On ne saurait trop conseiller également de visionner les podcasts proposés par l’IFCE (disponibles sur le site inter- net de l’établissement public). D’une part, celui intitulé «Emploi et attractivité de la filière équine », dans lequel Tiphaine Drouot, responsable d’Équi-ressources, expose les dynamiques d’emploi de la filière cheval et apporte son analyse sur les problématiques d’adéquation entre l’emploi et la formation. Et, d’autre part, la série « Le cheval ? Des métiers ! » dédiée à l’ensemble des parcours professionnels. Chacun de ses épisodes entrouvre les portes du quotidien d’un professionnel, d’un enseignant à un entraîneur de chevaux de course en passant par un maréchal-ferrant, un chargé d’évenementiel, un ostéopathe et bien d’autres. Ou comment appréhender concrètement la filière de mille façons avant de se lancer !