Mieux comprendre les règles qui encadrent la diffusion audiovisuelle du sport et les récentes communications de la FEI

La Fédération équestre internationale a récemment rappelé à ses parties prenantes et à la presse la nécessité de respecter les droits acquis par les diffuseurs audiovisuels des grands championnats, des Coupes du monde et de la nouvelle Ligue des nations Longines. Ayant mis à jour ses règles en vigueur en la matière, datant d’environ cinq ans, elle a adopté une communication qui a suscité de la confusion, voire de la suspicion, sur les réseaux sociaux, avant d’essayer de rectifier le tir. À l’heure où chaque personne équipée d’un téléphone moderne peut produire et diffuser des images en temps réel, faire respecter ces règles est un défi qu’elle doit relever, sous peine de perdre les recettes liées à la cession de ces droits.



Les droits TV, autrement dit la cession de droits de retransmission audiovisuelle des compétitions sportives, de haut niveau surtout, représentent une source de recettes conséquentes pour les fédérations, ligues et autres autorités organisant et/ou régulant le sport. Ce phénomène n’est pas nouveau, et les revenus liés à la commercialisation desdits droits continuent à croître malgré les crises économiques et autres aléas. La Fédération équestre internationale (FEI) est concernée au premier chef. Le 12 février, elle a publié sur son site internet une mise à jour de ses règles applicables en matière de captation et de publication de vidéos. À cette occasion, elle a notamment rappelé qu’étaient strictement interdits, à toute personne non autorisée, la diffusion en direct – ou streaming en anglais – de même que la publication ultérieure et/ou la commercialisation de vidéos captées lors de toute épreuve désignée FEI – FEI-Named Events en anglais. 

Cette mise à jour a provoqué un véritable tollé sur les réseaux sociaux, de nombreux internautes accusant ouvertement la FEI de faire œuvre de censure et d’opacité sur les sujets “qui fâchent”, ou plus trivialement de vouloir “cacher des choses”. Plusieurs athlètes ont dénoncé une entrave au développement de leur image et de leur carrière, à l’heure où les réseaux sociaux sont souvent le premier relais de leurs performances sportives auprès du public, mais aussi auprès de leurs partenaires et sponsors. Il faut dire que la publication du 12 février, rédigée en termes génériques, laisse le champ libre aux interrogations sur son périmètre d’application: quels sont les événements véritablement concernés? L’interdiction vise-t-elle la captation de vidéos ou uniquement leur usage ultérieur (diffusion ou exploitation)?

Après l’émoi suscité par sa publication et les tentatives de clarifications par voie de presse, le 8 mars, la FEI a publié sur son site internet une note explicative et une “foire aux questions”. Elle y déclare que son objectif réside exclusivement dans la clarification de la situation des détendeurs de droits, autrement dit des personnes physiques ou morales ayant été contractuellement autorisées par la FEI à diffuser et/ou commercialisation des vidéos de ses événements. Cela concerne essentiellement les championnats du monde et d’Europe, les Coupes du monde (le Grand Prix et sa qualificative en jumping, le Grand Prix et la Reprise Libre en Musique en dressage, les deux épreuves en attelage, et toutes les phases de la finale en voltige), les Coupes des nations FEI de concours complet et dressage, ainsi que la nouvelle Ligue des nations Longines. La FEI tente également de minimiser l’impact de ces règles pour les usagers, expliquant notamment qu’elles existent depuis environ cinq ans et qu’en réalité, le seul changement véritablement notable apporté par sa mise à jour de février était d’interdire la diffusion de brefs extraits vidéo par les non-détenteurs de droits sur les réseaux sociaux, Instagram notamment. Elle explique que cette interdiction s’applique déjà dans de nombreux autres sports. Quant à la censure et au manque de transparence, la FEI réplique par des arguments tenant à la diffusion intégrale et directe des événements FEI et assure que toute personne témoin d’une situation litigieuse est invitée à filmer la scène et à transférer son témoignage à la FEI. 



Qu’instaurent réellement les “nouvelles” règles de la FEI?

Les règles édictées par la FEI distinguent trois situations. La principale est le “Field of Play”, qui comprend la piste, la carrière de détente, les couloirs menant de l’une à l’autre, et la zone dite “Kiss & Cry”, accueillant les personnes accompagnant les concurrents en bord de piste, durant toute la durée de l’épreuve. La deuxième concerne la phase de reconnaissance d’un parcours, sur la piste de compétition donc, avant le début de l’épreuve. La troisième est la zone dite mixte, aménagée afin d’organiser les échanges entre les journalistes accrédités, qu’ils travaillent pour un titre de presse écrite, une radio ou une chaîne de télévision non détentrice de droits, et les cavaliers et autres parties prenantes du sport. S’agissant du Field of Play, il est désormais clair que toute personne, qu’elle soit athlète, membre de son équipe ou de son entourage (groom, propriétaire, entraîneur, propriétaire), représentant d’une Fédération nationale, journaliste accrédité ou simple spectateur, a interdiction, sauf à être détentrice de droits, de diffuser en direct ou ultérieurement des vidéos (mêmes très brèves) d’une scène intervenue durant une épreuve concernée. S’agissant de la zone mixte, la captation, la réalisation d’interviewes et leur diffusion sont autorisées à condition que ces images soient produites après celles réalisées par les détenteurs de droits. Quant à la reconnaissance, elle est considérée libre de droits mais conditionnée à l’accord des officiels ou du service de presse de l’événement, qui restreint parfois l’accès à la piste pour des raisons de sécurité ou afin de garantir le confort des cavaliers, entraîneurs et propriétaires durant cette phase tactique.

La FEI précise qu’il existe une exception pour les athlètes et les fédérations nationales. Ceux-ci peuvent s’inscrire à l’application FEI Socialie, via laquelle ils peuvent recevoir des séquences de qualité télévisuelle de leur performance et les publier sur leurs pages, chaînes ou comptes de réseaux sociaux. Cette exception ne s’applique pas à des séquences que l’athlète ou la fédération nationale enregistreraient par leurs propres moyens, ce qui restreint de fait leur liberté à choisir la manière dont ils entendent communiquer.

En tout état de cause, chacun reste libre de photographier et/ou de filmer toute scène de n’importe quel espace du concours. Seule la diffusion des vidéos est règlementée. La prise de son sans image demeure également libre. En cas de manquement, la FEI indique qu’elle pourra demander au contrevenant le retrait de sa publication et avoir recours, suivant le degré de la violation, à une procédure disciplinaire ou à des poursuites devant le Tribunal de la FEI. Les sanctions applicables pourront allez d’un simple avertissement à des peines d’amende ou à l’exclusion temporaire ou l’interdiction de participer à certains événements. 



Droit à l’image vs. liberté d’expression

Bien que clarifiées, ces règles suscitent de nombreuses questions pratiques, tenant plus particulièrement à l’effectivité des demandes de retraits à l’heure où il n’est pas toujours possible d’identifier qui se cache derrière un pseudo sur les réseaux sociaux. Cela laisse à penser que les personnes visées par la nouvelle règlementation sont surtout les athlètes, leur entourage direct et les journalistes accrédités. Si l’on comprend bien juridiquement la nécessité pour la FEI de prendre toute mesure visant à protéger ses détenteurs de droits, on peine à voir, en pratique, quel sera l’impact réel des restrictions annoncées pour l’industrie de l’exploitation audiovisuelle de l’équitation.

Bien que questionnables sur leurs conséquences induites, les nouvelles règles de la FEI semblent irréprochables juridiquement. En effet, le Code français du Sport est clair: les fédérations sportives et les organisateurs de manifestations sportives sont propriétaires du droit d’exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu’ils organisent. Ils peuvent donc interdire, limiter ou restreindre à leur guise toute publication d’images réalisées sur l’évènement. Pour autant, il existe une exception notable à l’exercice de ce droit de propriété: la publication de “brefs extraits”. Attention toutefois, et contrairement à ce qui est souvent compris à tort, cette publication de “brefs extraits” ne concerne pas la diffusion d’images réalisées par les non-détenteurs de droits, mais bien la diffusion de brefs extraits “prélevés à titre gratuit parmi les images du ou des services cessionnaires et librement choisis par le diffuseur du bref extrait.” Cela permet aux chaînes de télévision d’informer leur public des résultats d’une épreuve images à l’appui sans devoir acheter le droit de les diffuser, mais aussi aux athlètes de rediffuser les vidéos de leur performance sur leurs réseaux. 



À PROPOS DE L’AUTRICE

Depuis 2010, Émilie Waxin, avocat au barreau de Paris, a exercé au sein des départements corporate et contentieux de plusieurs cabinets d’affaires français et luxembourgeois. Cette double pratique lui permet aujourd’hui d’intervenir à tous les stades afin de déterminer l’approche la plus appropriée de nature à éviter, désamorcer ou, le cas échéant, résoudre les situations de crise. Par ailleurs, cavalière et passionnée d’équitation depuis de nombreuses années, elle a souhaité déployer son expertise juridique au sein du secteur équin. Elle intervient ainsi aux côtés des différents acteurs de la filière (institutionnels, cavaliers, propriétaires, centres équestres, etc.) tant en conseil qu’en contentieux.

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